mercredi 16 septembre 2020

Arno Hintjens, LE FLAMAND BLEU D'OSTENDE - Part 1.


...Donnez-moi                                                                                      Donnez
Que je puisse décrire nos temps
                                                      d'intempéries
Donnez-moi
Donnez
             le juron la tempête le cauchemar et l'amour
Donnez-moi
Donnez
             le hurlement des chiens et le fiel noir du diable
Pour exprimer notre pensée
Pour chanter notre terre
Pour dire notre vie
Notre vie
               misérable invincible.

1941.
Extrait de BAGDALA - poèmes.
                               Dusan Matic - 1898-1982. 

               



Au printemps prochain Arno aura 70 ans. Le concert à Hem, le 24 novembre 2018 était le dernier de la tournée Human Incognito (commencé en 2015) et 15 jour avant, le 9 novembre, à Ostende, le dernier pour le moment de l'aventure Tjens-Matic commencée parallélement aux concerts ARNO Human Incognito, sur la base d'un répertoire constitué exclusivement de titres composés par le passé pour les groupes blues et rock du Flamand Bleu d'Ostende ; une pause donc amorcée depuis peu afin de poursuivre le travail commencé avec ses complices de " Tjens Matic " pour un prochain album solo qu'il espére sortir en 2019 mais un disque qui devrait être marqué par ces deux dernières années de concerts de Tjens Matic.


- Portrait Surfiguratif d'Arno Hintjens par Jacques Cauda -.
La carrière du flamand bleu d'Ostende, sous le nom d'Arno c'est 19 albums, en comptant ses deux disques en public (1997 & 2005), L'édition limité, en 2001, d'un best of... avec un disque bonus d'un live en studio excellent ! At the Jet, le coffret long box de 2002 avec 3 disques cd truffés d'inédits et de raretés,  en 2008  "Covers Cocktail" qui rassemble que des reprises enregistrées par ailleurs pour des albums hommages ou encore des duos sur des disques d'autres artistes, idem avec "Arno Bonus" l'un des 13 disques compacts de Le coffret essentiel (2014) mais comme Arno adore les collaborations, je suis presque certain qu'il existe au moins potentiellement matière pour réaliser un troisiéme, voir quatriéme disque de cet acabit. De plus si l'on comptabilise les productions de ces groupes de jeunesse (1 Frecklefaces (1972), 3 Tjens-Couter/T.C Band de 1977, 1978, 1980 car il convient de pendre en compte A complication qui compile le "meilleur" des 2 albums de Tjens-Couter/T.C Band + les titres qui ne sont paru qu'en 45 tours et enfin 6 T.C Matic et non 4... (1981, 1982, 1983 et 1985)! ...car j'estime qu'il faut mettre dans la liste le double cd compilation de 2002, Compil Complet ! constitué d'inédits live, de démos et de titres uniquement paru en 45 tours, puis encore la ré-édition en 2006 du premier album de 1981 avec des démos de l'époque ou des titres parus qu'en 45 tours (+ 1 dvd) alors nous arrivons à 30 albums et auxquels il convient de rajouter les 3 productions durant la carrière solo d'Arno : Charles & les Lulus (1991), Arno & The Subrovnicks/Water (1994), enfin Charles & The White Trash European Blues Connection (1998) qui sont plus des albums de groupe, on arrive alors à  33 albums sans prendre en compte d'autres ses diverses compilations et Best of...




Encore, hier, une connaissance française, mon banquier ! me disait "Ah ! Arno, le Gainsbourg belge..." Cette définition qui colle À la française au Tango de la peau du chanteur belge est tout à fait ridicule ! Tellement réductrice et stéréotypée ! Cela démontre juste la méconnaisse du public français envers Arno et surtout que la presse rock spécialisée française sait globalement vraiment souciée que de restituer des premières impressions et commentaires à l'emporte piéce au sujet d'Arno Hintjens. Gainsbourg n'a jamais été rock, encore moins blues ! Les racines musicales et  artistiques d'Arno c'est le Blues. Le premier disque de blues qu'il a acheté " Keep it to Ourselves" de l'américain Sonny Boy Williamson*, est un chef d'œuvre du genre, même si curieusement  l'enregistrement a eu lieu au Danemark en 1963, Arno ne s'est jamais remis de l'écoute de ce disque. Sonny Boy Williamson chanteur est aussi un fabuleux joueur d'harmonica et tout comme Arno le sera et l'est toujours avec son style tout a fait personnel : "...mon harmonica... C'est comme le prolongement de mon zizi. Moi, je fais de la musique pour le cul et la tête ensemble..." Arno a le sens de la formule, des formules simples et fortes, des formules aux métaphores comme on en trouve que dans les textes des vieux blues des maîtres d'un genre qu'il connait parfaitement.


Outre Sonny Boy Williamson, deux autres bluesmen sont déterminants pour Arno : Howlin' Wolf et Willie Dixon.  En 1981, il m'a recommandé d'écouter Willie Dixon , tant mieux ! Et pas grave si je m'en suis jamais complètement remis !... Willie Dixon a écrit Little Red Rooster** pour Howlin'Wolf ( "Sans Howlin' Wolf, pas de Captain Beefheart, ni de Tom Waits, ni d'Arno***..."). Le Captain Beefheart qui a commencé à faire de la Musique avec Frank Zappa en reprenant justement des titres d'Howlin' Wolf, tient une place importante dans l'itinéraire d'Arno, il le découvre en 1968 en achetant à Londres l'album Strictly Confidential puis il le voit en concert en octobre 1969  au devenu légendaire festival d'Amougies****. Au cours de sa carrière Arno va reprendre par 2 fois le Captain Beefheart, en 1991 "Gimme That Harp, Boy " dans l'album pour groupe "récréatif" : Charles & les Lulus *****  ;  puis "Hot Head"  sur l'album Water de 1994,  que je préfère nommé Arno & The Subrovnicks, si  cet opus n'a pas été le plus apprécié lors de sa parution , c'est pourtant un disque majeur dans la discographie du Flamand Bleu d'Ostende,  disque qui par ailleurs comme pour " Charles & les Lulus " est un projet qui retournent tous aux sources, aux bases et aux racines dont se nourrit Arno. A chaque fois Arno avec ce type d'album et de projet revient donc à une notion de groupe  et à ses primitives racines blues et rock ; il en sera de même avec "Charles & The White Trash European Blues Connection" (1998)  et " Tjens Matic " depuis 2016 qui ne révisite en concert que des titres des projets de groupe du flamand bleu d'Ostende à l'exception d'un nouveau titre enregistré est paru qu'en 45 tours jusqu'à ce jour Middle Finger.

- Pochette 45 tours conçue par Arno Hintjens. -

" Charles & les Lulus"  sont "Blues" tandis qu' "Arno & the Subrovnicks" sont "rocks", il est à noter au sujet de ce dernier que c'est à cette époque, pour l'album Water qu'Arno crée le phénoménal " Meet The Freaks " qui est devenu l'une des pierres angulaires, l'un des chevaux de batailles des titres joués en concert aussi bien en Arno Human Incognito qu'en formation Tjens Matic, avec toujours d'incroyables introductions en guitare solo de Bruno Fevery puis quand bien plus tard la basse de Mirko Banovic rentre en action dans le morceau... WAOUH ! Il ne reste plus qu'à Laurens Smagghe de cogner encore plus comme un forcené sur les peaux de ses tambours.




Gainsbourg n'a jamais été un bluesman, ni un rocker, il n'a jamais formé de groupe rock, Gainsbourg c'est de chanson parfois soupoudrée de jazz, de pop musique, de reggae  et de funk au final de ce vous voulez mais tout cela ne fait pas le rock et encore moins le blues.

Arno est aussi souvent comparé à Tom Waits, là aussi le raccourci est bien rapide.  Tom Waits n'a jamais eu de groupe rock ! Le blues de Tom Waits est tout à la fois sophistiqué, expérimental et il tire à mon avis plus vers une démarche de jazzman finalement alors que le blues d'Arno est rock ! et vice versa d'ailleurs ! Pour ce qui est de Léo Ferré, les deux seuls points communs sont seulement, en un que Ferré a réalisé un excellent album, atypique dans la carrière du poète anarchiste, celui avec le groupe rock français Zoo, puis en deux que Léo Ferré & Arno, ont repris de Jean Roger Caussimon " Comme à Ostende " dont la version d'Arno est bien supérieure car résolument tellement Ostendaise ! Bref, tout cela pour vous dire que les comparaisons hatives c'est mauvais.

Cinéma & Michel Piccoli

À Hem dans le Nord de la France, j'ai revu Arno, et notamment j'ai échangé avec lui sur ses expériences au cinéma car j'avais enfin arrivé à me procurer et voir depuis peu, le film "Alors voilà, " (1997) de Michel Piccoli en tant que réalisateur ;  film pour lequel Arno a composé une délicate ritournelle à l'arrangement décalé afin d'illustrer un passage assez surréaliste. Arno joue aussi dans ce film; un rôle quasi mutique comme d'ailleurs dans l'iconoclaste "Komma" en 2006 de Martine Doyen, c'est aussi sensiblement idem lors de son apparition aux côtés d'Alain Bashung en 2007 dans "J'ai toujours rêvé d'être un gangster " ; encore plus flagrant dans Le remarquable " Préjudice "- 2015, un premier film d'Antoine Cuypers, avec Nathalie Baye et dans lequel le sens du silence d'Arno est aussi impressionnant que celui de Steve McQueen dans les plus grands rôles de ce dernier.

Pour le cinéma Arno a rarement composé des musiques originales mais j'ai le souvenir d'un très beau passage d'un film reportage, pour arte, Les lundis de William Cliff, William Cliff  est  sacré poète belge. 


Arno a aussi enregistré les versions en néerlandais des trois chansons de Randy Newman pour le film " Toy Story " en 1996 des Studio Walt Disney Vreemde dingen, Vliegen doe ik nooit et Je bent een vriend van mij. 




Prés de 25 fois des chansons d'Arno ont été utilisées pour des films, on peut faire remarquer qu'il y a une version rare, une version démo de " Give Me The Gift " dans Abracadabra en 1993, d'Harry Cleven. Arno me confiera que comme pour ses albums... une fois enregistrés il ne les réécoute presque jamais. ...il n'a jamais vu les films dans lesquels il a tourné, si il a accepté de les faire c'est parce que les projets qui lui étaient alors proposés bien-sûr lui plaisaient mais surtout c'est qu'ils étaient porté par des personnes qu'il a, au préalable, vraiment rencontrées humainement et appréciées, c'est très affectif au final la raison de ces acceptations. C'est de la sorte qu'en 1997, Arno se lie d'amitié avec Michel Piccoli. Au départ pour "Et voilà,", il s'agit juste d'écrire une musique... puis au fil des échanges et de l'amitié naissante,  Michel Piccoli propose un rôle à Arno... Et voilà,... justement ! Aussi Arno en homme  pudique qu'il est, lorsque nous évoquons Michel Piccoli, demeure discret "...il y a des choses que je garde pour moi..." mais une émotion profonde est plus que palpable.


Au cinéma Arno, c'est 12 films pour des rôles plus ou moins importants : Concerto pour un homme seul-1980, Skin -1986, Camping Cosmos-1995, Alors Voilà, -1997, Surveillez les tortues-1998, Komma-2006, J'ai toujours rêvé d'être un gangster-2007, Petites vacances à Knokke-le-Zoute-2008, La Piqûre-2010, A New Old Story-2012, Le goût des myrtilles-2013. et Préjudice-2015.  ; puis enfin il y a le court métrage La vie de Roger-2004. pour la promotion de l'album " French Bazaar " et si vous désirez ne voir qu'une prestation à l'écran d'Arno Hintjens essayez de vous procurer celui là.... La vie de Roger, ce court métrage est impossible à raconter !




Arno homme des lettres, homme de la lettre A.


Arno ne se considére pas comme un poète et il s'en moque éperdument jusqu'à dire dans Une chanson absurde de l'album Human Incognito en 2015 : "...Mon chien, il mange gratuit / Mon chien, il s'en fout de la poésie" et pourtant dans ce même disque dans Je veux vivre Arno chante "...Je veux voler trés haut, libre comme un poisson dans l'eau / Et dans ma bouche pas de mots... / ...Je veux vivre dans un monde où on ne doit pas chercher / Chercher la beauté, chercher la vérité." ...des vers simples mais intenses pour une chanson d'une exceptionnelle magnifique poésie  emprunte d'un surréalisme typiquement belge et qui n'a pas besoin de mots branchés et intellectuels pour s'exprimer et cela reprendre l'idée de la fin de Vive ma liberté dans l'album de 1993 Idiots Savants "...Je chante une bête chanson à la française / Avec des mots bêtes et artificiels / Avec des mots branchés et intellectuels / Je chante une bête chanson à la... // Vive ma liberté... //...Pour toi et le monde entier." ; des mots et des formulations qui sont bien plus proches du poéte surréaliste belge Louis Scutenaire que du surréalisme français et plus abscons d'André Breton... À sa manière Arno est un homme non pas de lettre mais des lettres d'ailleurs son groupe du début année 80, T.C Matic, n'en est-il pas l'indication éloquente ? Pourquoi ce nom de groupe ? En partie à cause du poète Dusan Matic dont Arno m'a dit en 1981 "...c'est un poète, c'est un surréaliste et un serbo-croate qui a écrit pour les gens qui ne sont pas tout à fait dans la réalité..." mais à ce sujet j'apprendrais en 2018 aussi autre chose, un détail qui en ajoute une pointe surréaliste complétement belge... mais je vous en parle dans le second  épisode final de la fois prochaine, tout comme d'ailleurs d'Arno homme de la lettre A car si on y regarde de prés !... ?... Voyez déjà cela de par un "poème", un bazaar plutôt (pour reprendre un terme qu'Arno utilise souvent !) que j'ai écris la semaine dernière à la demande d'un Camarade à partir d'éléments tirés exclusivement du répertoire des chansons d'Arno Hintjens, le Flamand Bleu d'Ostende. Visez bien le dernier "vers", et vous verrez la fois prochaine que le commentaire du Flamand Bleu d'Ostende conçis et combien  pourtant si  parlant !

Le chAnt du hAut A.

À Pierre Dubrunfaut
Arno Hintjens
RAtAtA le jAvA
No job que pAsA
OlAlA l'ApAche 
HA hA bAAzAAAr
I'm A mAn zAAzou
NAAger encore
Tjens MAtic lÀ
JAvA l'on dAnse
Et vivA pAtAte
NégritA hey lÀ
PAlomA MArthA

En vers arithmonyme de 12 lettres


* voir article Orchestrophe du DiXvins blog du  23/11/2018.
**Ce blues de Willie Dixon pour Howlin' Wolf, Arno la souvent interpréter avec Tjens Couter mais aussi avec Charles & les Lulus et parfois en Arno à la française et allant même jusqu'à en faire une adaptation avec un texte en français sous le titre Martha.
***propos de Pieter-Jan De Smet de PJDS, voir article Orchestrophone du Dixvins blog du  02/11/2018.
****Le festival d'Amouji, initialement prévu en France, a eu lieu en Wallonie Picarde qu'une année en 1968 mais qui
devenu légendaire car il y a été programmé entre autre The Pretting Thing, Pink Floyd, Captain Beefheart & His Magic Band et Frank Zappa en maitre de cérémonie. Le poéte artésien, Lucien Suel raconte ce festival auquel il a assisté, dans un remarquable poème en picard.
*****Charles et les Lulus est à la fois le nom de l'album & du groupe de 1991 à 1992 d'Arno avec Ad Cominotto (claviers & accordéon), Piet Jorens (batterie et percussions) et Roland Van Campenhout (guitares), voir article Orchestrophone du DixVins Blog du  5/10/2018. 




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